Brasillach Robert - Lettre à une provinciale


Auteur : Brasillach Robert
Ouvrage : Lettre à une provinciale et autres articles à Je Suis Partout (1936 – 1937)
Année : 1936–1937

Lien de téléchargement : Brasillach_Robert_-_Lettre_a_une_provinciale.zip

VOYAGE DANS LA LUNE 13 juin 1936. Vous qui n'avez pu lire les journaux de Paris, ma chère Angèle, vous me demandez de vous renseigner sur ce qui se passe. Votre esprit est anxieux de connaître la vraie figure de nos nouveaux maîtres, et vous voulez savoir comment se sont déroulées ces journées étonnantes où le Front populaire, élu du Tout-Puissant, s'est avancé vers la Terre Promise. Je sais bien que vous ne cachez pas vos sympathies pour un régime qui donne enfin leur juste place à Mme Picard-Moch, confinée dans les soins du ménage, et à Mme Brunschvicg, qui occupait ses loisirs avec la philanthropie organisée. J'ai donc pour vous essayé de pénétrer dans cette Bastille démocratique, où l'on prépare au peuple son bonheur, le jour même où M. Blum présentait son ministère. Je ne l'avais jamais, je l'avoue, contemplée que de loin. Il me fut extrêmement difficile de franchir les rangs des suffragettes qui, privées de café et de dessert, assiégeaient dès le début de l'après-midi les abords de la Seine. Dussé-je vous contrister, je vous signalerai que ces dames ne rencontraient guère que la risée et qu'elles n'avaient pas de grâce. Hélas ! les hommes sont ainsi faits que le mouvement féministe aurait plus de chances de leur plaire si Marlène Dietrich et Danielle Darrieux marchaient en tête des revendicantes. ‘‘Vous êtes bien laide, ce soir, mère Ubu. Est-ce parce que nous avons du monde à dîner ?’’ Ne me grondez pas, voulez- vous ? Je veux bien que les femmes votent, mais je n'aime pas les suffragettes. Mais si je réussis à n'être pas déchiré par les Ménades, je ne pus entrer, reconnaissons-le, jusque dans le Saint des Saints. Les tribunes du public (vous ignorez peut-être que les séances de la Chambre sont "publiques"), en ces jours de grand spectacle, sont prises d'assaut par des hordes pleines de valeur guerrière. Je fus privé d'entendre M. Blum, mais j'eus le bonheur de voir M. Herriot. Ceci compense cela. Vous savez peut-être que, par les salons qui mènent à la présidence, le président de la Chambre, les jours de séance, arrive avec lenteur, vêtu de son habit. Les tambours résonnent, les gardes présentent les armes, l'éclair des sabres luit, et l'on voit s'avancer, un peu humble devant tant de pompe militaire, ce gros monsieur que vous aimez pour son grand coeur. Il m'a semblé bien fatigué, et son ventre, qu'il porte en avant avec une indiscutable habileté, donne à son habit une forme assez disgracieuse. D'autre part, il est suivi d'une demi-douzaine de jeunes messieurs en complet gris, qui bavardent avec l'allégresse excusable dans les enterrements, et l'on ne saurait dire que cette débandade, ni même ce volumineux maître d'hôtel en habit, s'accordent tout à fait bien avec le tambour et avec les sabres. Mais j'avais juré de ne vous dire que ce que vous auriez trouvé dans les journaux, et les journaux ne refusent jamais la majesté au président de la Chambre. Puisque je ne pouvais entrer plus avant, je suis resté dans ces fameux couloirs, dans cette fameuse salle des Pas-Perdus, où, si l'on en croit certains, on se renseigne si aisément sur les véritables opinions des élus du peuple. Ne frémissez point : je ne vous ferai pas de révélations. La salle des Pas-Perdus ressemble beaucoup à un hall de grande gare : elle est ornée d'un président du Conseil en forme de Laocoon, enveloppé dans les mille serpents d'une majorité parlementaire (je suppose du moins que tel est le véritable sujet de cette statue), et d'un homme nu et plein de remords, qui, auprès d'une dame éplorée, plonge dans son coeur un couteau de cuisine. Par les portes entrouvertes, on aperçoit la salle des Quatre- Colonnes et d’autres parties du Saint des Saints interdites au commun des mortels. J'eus la satisfaction de contempler ainsi quelques secondes M. Léon Blum : il a le visage souriant et pincé d'un professeur chahuté, sans cesse aux aguets du coup de pétard ou du bourdonnement séditieux. Mais une porte m'en voila l'éclat, et, durant toute la séance, je ne vis plus circuler que M. Bergery, que les débats ne devaient point intéresser, et qui passait sans arrêt d'une salle à l'autre, arrêtant des amis, recevant des solliciteurs ou donnant des ordres pour le Rubicon de demain. ...

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