Auteur : Dick Kindred Philip
Ouvrage : Le zappeur de mondes
Année : 1965
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— M. Lars, s’il vous plaît. — Je crains fort de n’avoir qu’un moment à accorder à vos téléspectateurs. Je regrette vraiment. Il était piégé. L’interviewer automatique de la Télé, caméra à la main, lui barrait le passage. Le sourire métallique du robot étincelait, comme plein de confiance. — … Vous sentiriez-vous prêt à entrer en transe, monsieur ? Son ton exprimait vraiment l’espoir, comme si sa victime allait vraiment entrer en transe devant le dispositif dit « multiple-alterne » des lentilles de sa caméra portable. Lars Powderdry soupira. De l’endroit où il se tenait debout sur le trottoir roulant des piétons, il entrevoyait son bureau new-yorkais. Mais quant à l’atteindre, c’était une autre histoire. Trop de gens – trop de purzouves – s’intéressaient à lui, et non à son travail. Or, c’était son travail qui comptait. Il expliqua avec lassitude : — Il y a l’élément temps. Ne comprenez-vous pas ? Dans le domaine de la mode des armements… — Oui, nous avons entendu dire que vous êtes en train de « réceptionner » quelque chose de vraiment spectaculaire. L’interviewer l’avait interrompu, reprenant l’initiative de l’interview, sans même prêter attention à ce qu’allait déclarer Lars. — …Quatre transes en une seule semaine ! Et vous avez presque abouti ? Est-ce vrai, monsieur Lars ? Tout ce dispositif, automatique de A à Z, était absurde ! Patiemment, il essaya de le faire comprendre. Il ne prit même pas la peine de s’adresser à la légion des purzouves, presque tous du sexe féminin, qui, à chaque début de matinée, constituaient le public de « L’heureux représentant de commerce vous souhaite le bonjour », ou quel que soit le nom de cette émission inepte ! Il n’avait pas le temps, lui, d’interrompre sa journée de travail pour écouter de telles idioties. — Écoutez… Il avait pris un ton gentil comme si l’interviewer automatique était un être vivant et non le résultat, arbitrairement doté de sens, de la faculté d’invention de la technologie du Bloc-Ouest en l’an 2004 après J.C. Et quel gaspillage de cette faculté d’invention… mais en y réfléchissant bien, ce gâchis était-il plus abominable que celui qui régnait dans son propre domaine ? Réflexion déplaisante, qu’il chassa aussitôt de son esprit. — …Le processus de la mode en matière d’armement exige qu’une arme définie apparaisse à un certain moment. Le lendemain, la semaine suivante ou le mois d’après, c’est trop tard… — Dites-nous ce que c’est, répliqua aussitôt l’interviewer, attendant avec curiosité la réponse qui devait suivre. Comment quelqu’un, fût-il M. Lars de New York et de Paris, oserait-il décevoir les millions de téléspectateurs du Bloc-Ouest, c’est-à-dire d’une douzaine de pays ? Ne pas les satisfaire serait servir les intérêts de Pip-Est. C’est ce que l’interviewer autonome voulait faire comprendre à Lars. Cette fois-ci, sa manoeuvre n’eut aucun succès. — Franchement, cela ne vous regarde pas ! Lars s’éloignait déjà du petit groupe de badauds qui s’était formé pour le contempler, de cette chaleur humaine pleine d’intérêt que lui témoignait toujours le public, pour gagner la piste qui conduisait à la Société Anonyme M. Lars, un bâtiment de plein pied qui jurait exprès, eût-on dit, au milieu des grands immeubles de bureaux dont la dimension, à elle seule, proclamait leur nature, leur fonction et leur destination. En atteignant le hall extérieur, réservé au public, de la S.A. M. Lars, il se dit que la dimension d’un immeuble ne pouvait guère servir de critère quant à l’importance de ce qu’il contenait. L’interviewer automatique lui-même ne s’y était pas trompé : c’était Lars Powderdry qu’il avait voulu présenter aux téléspectateurs, et non les entités industrielles qu’il avait à portée de sa main. Et pourtant, avec quel plaisir ces entités 10 auraient-elles vu interviewer leurs experts en propac (propagande d’acquisition). Les deux battants de la porte d’entrée émirent le bruit habituel, accordés qu’ils étaient à ses radiations céphaliques. Ils se refermèrent derrière lui, l’isolant de la multitude qui le suivait des yeux, bouche bée, depuis que son attention avait été éveillée par les professionnels. Sans eux, cette masse eût été raisonnable. Disons plutôt apathique. ...
Aubert Edouard - La vallée d'Aoste
Auteur : Aubert Edouard Ouvrage : La vallée d'Aoste Année : 1860 Lien de téléchargement :...