Thion Serge - Vérité historique ou vérité politique ?


Auteur : Thion Serge
Ouvrage : Vérité historique ou vérité politique ? Le dossier de l'affaire Faurisson La question des chambres à gaz
Année : 1979

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Voici un individu qui affirme que les chambres à gaz des camps de concentration allemands n'ont jamais existé, qu'elles sont essentiellement un mythe, né des horreurs de la guerre. Scandale. On se dit que cet homme est soit un fou, soit un nostalgique du nazisme. Que les fous délirent ou que des nazis cherchent à blanchir l'Allemagne hitlérienne, rien que de très normal. Le contraire, même, serait surprenant. D'un côté, il y a de plus en plus de fous à cause, dit-on, de la vie moderne. De l'autre côté, nazis, nazillons et autres crânes vides d'extrême droite n'ont jamais cessé de rêver au Reich millénaire. Si j'en crois mes souvenirs, leur influence a sérieusement décru depuis la fin de la guerre d'Algérie, et le démantèlement de l'O.A.S. Quel que soit donc la façon de classer cet individu et ses affirmations provocatrices, son cas semble clair et dépourvu du moindre intérêt. Mais, chose étrange, le fait divers s'enfle, prend des proportions inattendues, envahit la presse malgré le désir répété qu'elle marque de cesser d'en parler. Des ministres commentent, des parlementaires interpellent le gouvernement, l'un d'eux, un giscardien, en profite pour demander l'introduction en France du Berufsverbot, l'interdiction professionnelle des « extrémistes ». Depuis octobre 1978, la presse ne parvient plus à se censurer elle-même parce qu'il y a des troubles à l'université de Lyon II, parce que, couvert d'injures, l'intéressé se débat et bombarde les journaux de droits de réponse, que des procès de presse s'instruisent, qu'on en parle à l'étranger, et qu'enfin les mouvements antiracistes, avec en tête la L.I.C.A., décident d'écraser le malotru en lui faisant un procès sous l'inculpation, assez originale en droit français, d'avoir « volontairement faussé la présentation de l'Histoire ».1 Notons ce H majuscule, et attendons de voir comment la justice se débrouillera avec cette hypostase. La rumeur court la ville, quand elle n'est pas imprimée noir sur blanc, que les idées de ce M. Faurisson sont irrecevables parce qu'elles sont le fait d'un nazi, ou d'un pro-nazi, et d'un antisémite. Qu'il récuse l'un et l'autre qualificatifs, qu'il gagne làdessus un procès en diffamation contre Le Matin de Paris, ne changera rien aux convictions de ses détracteurs fondées non tellement sur ce qu'il dit que sur les intentions plus ou moins louches qu'on lui prête. Il faut dire tout net que ces procès d'intention n'honorent pas les censeurs, mais surtout que là n'est pas la question. On peut certainement dire que M. Faurisson est un homme de droite et, pour être plus précis, une manière d'anarchiste de droite. Néanmoins, il faut aussi le rappeler, ses élèves et beaucoup de ses collègues le tenaient, jusqu'au déclenchement de l'affaire, plutôt pour un homme de gauche. C'est, dans tous les cas, un homme seul. Quant à ses sentiments politiques, pour autant que je les connaisse, je ne leur trouve rien d'attrayant, sinon un refus des tabous intellectuels et une certaine propension, que je partage, à se ranger du côté des vaincus, de ceux qui se trouvent, ou se retrouvent du mauvais côté du manche. Ce n'est pas tout à fait suffisant, à mes yeux, pour fonder une morale politique, mais c'est un assez bon vaccin contre les illusions du pouvoir. Ce qu'il faut récuser avec la dernière énergie, c'est l'idée qu'un argument quelconque proféré par un ennemi politique soit automatiquement considéré comme faux, nul et non avenu. Je connais des gens de droite capables, à l'occasion, de dire des choses fort sensées et des gens de gauche susceptibles d'énoncer des énormités à vous glacer le sang. Ni l'un ni l'autre de ces deux faits, connus de chacun, ne m'a jamais amené, ni personne d'autre, à changer d'opinion politique. Mais il a pu m'apprendre quelque chose, ou me faire changer d'opinion sur un point bien précis ; à moi de l'intégrer dans mon interprétation. Il ne faut donc pas se contenter de réclamer la liberté d'expression de nos ennemis, fussent-ils ennemis de la liberté, comme aussi essentielle que la nôtre, dont elle est indivisible, mais encore insister sur le droit de les comprendre, d'interpréter leurs dires sans se faire traiter idiotement de complice. Certains de mes amis et moimême, à un certain moment, avons réalisé qu'il se passait dans le F.L.N. algérien des luttes qui s'accompagnaient d'épurations sanglantes, avec assassinats, mesures arbitraires, tortures, etc. C'est surtout la presse d'extrême droite qui le racontait en détails mais nous pouvions de notre côté en recueillir quelques échos assourdis. Cela, pour déplorable que nous pouvions le trouver, ne nous empêchait pas de poursuivre une action solidaire des combattants algériens puisque nous voulions que l'Algérie revienne aux Algériens. Pendant ce temps-là, Jeanson et d'autres parlaient de la révolution socialiste en marche en Algérie. Valait-il mieux se bercer de cette illusion ridicule ou, en reconnaissant ce qu'il y avait de bien-fondé dans la presse fasciste, continuer lucidement un combat, en sachant qu'il avait des limites ? Inversement, fallait-il, quelques années plus tard, accepter les élucubrations des maoïstes qui rêvaient leur Prochine, parce qu'ils offraient des garanties de gauche ? Et, rétrospectivement, ne veut-on pas voir que seuls, les services de renseignements américains ont dit, dès avant la fin de la guerre au Cambodge en 1975, que les Khmers rouges déportaient les populations, régnaient en certains endroits avec la plus extrême brutalité, et avaient des accrochages militaires avec le Viêtcong ? Reconnaître que la C.I.A. avait raison sur ces faits matériels, que nous avons eu tort à ce moment-là de n'y voir que de la propagande, est-ce que cela nous entraînerait à justifier l'intervention américaine et son cortège de massacres, responsables du déclenchement de ces atrocités en chaîne ? On pourrait multiplier les exemples par mille. Rien non plus n'oblige, parce qu'on comprend qu'on s'est trompé à aller pleurer des larmes d'innocence bafouée dans les colonnes de la presse adverse et de vendre à bon prix le récit pitoyable de ses naïvetés successives. Il y a toujours des gangsters qui se font flics, des staliniens qui deviennent chiraquiens et des maoïstes pour aller aux petits soupers de Giscard. Il y a même de faux renégats comme ceux qui revendiquent une imaginaire sympathie pour les Khmers rouges afin de battre plus bruyamment leur prétendue coulpe. Tous ceux-là, quand ils se détrompent, ils se trompent autrement. Faurisson, donc, à mon avis, est un homme de droite. Ce qu'il pense de la signification politique de ses affirmations ne nous intéresse pas particulièrement. Ses intentions, nous n'avons nul motif de les discuter. Mais il émet des affirmations à propos de faits et de réalités d'un passé proche. Certes, qu'un individu plus ou moins qualifié écrive n'importe quoi sur n'importe quel sujet est une constatation d'une accablante banalité. Il vous suffit de connaître un peu une question pour l'avoir étudiée de près, ou une situation pour l'avoir vécue, pour vous rendre compte que les colonnes de journaux et les rayons des librairies sont encombrés d'élucubrations que rien ne distingue apparemment d'ouvrages sérieux qui méritent notre estime. L'effroyable tragédie de la déportation s'est révélée un sujet propice à toutes sortes d'affabulations que seuls d'anciens déportés peuvent identifier du premier coup d'oeil. Pour nous c'est plus difficile. Affirmer que les chambres à gaz n'existaient pas fait donc immédiatement penser à ce « n'importe quoi », à l'universel et fadasse ketchup qui assaisonne à notre époque tous les mets de l'esprit. L'apparition de ce personnage scandaleux s'est d'ailleurs faite dans le sillage d'une autre affaire, nettement bouffonne : l'interview de Darquier de Pellepoix, vieux débris vichyste, antisémite authentique, avec qui il était facile d'amalgamer notre encombrant tabellion. Les journaux, dans un bel ensemble, ne s'en privèrent pas. ...

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