Aristote - Traité de l'âme


Auteur : Aristote
Ouvrage : Traité de l'âme et Thomas d’Aquin Commentaire au traité de l’âme
Année : 4e siècle av. J.-C.

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Leçon 1. 1. — Comme l'enseigne le Philosophe, Des animaux, XI, en tout genre de choses, il faut regarder d'abord et séparément ce qu'il y a de commun à tout le genre, et venir par après à ce qu'il y a de propre à chacun de ses éléments. Ce procédé, Aristote le respecte en philosophie première. En effet, dans la Métaphysique, il regarde et traite en premier ce qu'il y a de commun à l'être en tant qu'être, et c'est par après qu'il regarde ce qu'il y a de propre à chaque être. La raison en est que si l'on ne faisait pas cela, on redirait souvent la même chose. Par ailleurs, il y a comme un genre pour tous les êtres animés; c'est pourquoi, en jetant son regard sur les êtres animés, il faut d'abord regarder ce qu'il y a de commun à tout ce qui est animé, et seulement par la suite ce qu'il y a de propre à n'importe quel être animé. Or ce qui est commun à tous les êtres animés, c'est l'âme: en cela, en effet, tous les êtres animés se ressemblent. En vue donc d'aborder la science des êtres animés, il était nécessaire de transmettre d'abord la science de l'âme, car elle leur est commune. Aussi, Aristote, dans l'intention de transmettre la science qui porte sur les êtres animés eux-mêmes, transmet en premier la science de l'âme, puis il traite ensuite, dans les livres qui suivent, ce qu'il y a de propre aux êtres animés singuliers. 2. — Dans le traité de l'âme que nous avons dans les mains, il présente en premier un poème, dans lequel il fait trois considérations nécessaires en tout poème. Car celui qui fait un poème a trois intentions : en premier, en effet, de rendre son auditeur bienveillant ; en second, de le rendre docile ; en troisième, de le rendre attentif. Il le rend bienveillant, bien sûr, en montrant l'utilité de la science; docile, en annonçant l'ordre et la division du traité; attentif, en témoignant de la difficulté du traité. Ce sont les trois considérations qu'Aristote fait dans le poème de son traité. En premier, en effet, il montre la dignité de cette science. En second (402a7), l'ordre de ce traité, à savoir, quel est-il et de quelle manière on doit traiter de l'âme. En troisième (402a10), enfin, il montre la difficulté de cette science. Sur le premier point, il fait deux considérations. En premier, il montre la dignité de cette science. En second (402a4), son utilité. 3. — Sur le premier point, on doit savoir que toute science est bonne; et non seulement bonne, mais aussi honorable. Néanmoins, en cela, une science l'emporte sur l'autre. Que toute science soit bonne, c'est évident, toutefois, parce que le bien d'une chose est ce d'après quoi une chose a son être parfait: car c'est cela que toute chose cherche et désire. Comme donc la science est la perfection de l'homme en tant qu'homme, la science est le bien de l'homme. Parmi les biens, toutefois, certains sont louables, à savoir, ceux qui sont utiles en vue d'une fin — en effet, nous louons le bon cheval, parce qu'il court bien; mais d'autres sont en plus honorables, à savoir, ceux que l'on cherche pour eux-mêmes — car nous honorons les fins. Or parmi les sciences, certaines sont pratiques et d'autres spéculatives; elles diffèrent du fait qu'on veut les pratiques en vue d’œuvres à faire, tandis qu'on veut les spéculatives pour elles-mêmes. C'est pourquoi, les sciences spéculatives sont à la fois bonnes et honorables, tandis que les pratiques sont seulement louables. Toute science spéculative est donc bonne et honorable. 4. — Cependant, on trouve aussi dans les sciences spéculatives elles-mêmes des degrés quant à leur bonté et leur honorabilité. En effet, on loue toute science d'après ce qu'elle fait; or on loue tout ce qui se fait sous deux aspects: son objet et sa qualité, c'est-à-dire la façon de le faire. Par exemple, construire est mieux que fabriquer un lit, parce que l'objet de la construction est meilleur qu'un lit. Par ailleurs, à regarder la même chose, la qualité fait aussi une gradation, parce meilleure est la façon de faire un édifice, meilleur est l'édifice. Ainsi donc, si on regarde une science, ou ce qu'elle fait, sous l'aspect de son objet, il est évident que cette science est plus noble qui porte sur des objets meilleurs et plus honorables. Tandis que si l'on regarde sous l'aspect de la qualité, c'est-à- dire de la façon de faire, cette science-là est plus noble qui est plus certaine. Ainsi donc, on dit une science plus noble qu'une autre ou bien parce qu'elle porte sur des objets meilleurs et plus honorables, ou bien parce qu'elle est plus certaine. 5. — Mais cela varie en certaines sciences, car certaines sont plus certaines que d'autres et elles portent toutefois sur des choses moins honorables, tandis que d'autres portent sur des choses plus honorables et meilleures et sont toutefois moins certaines. Néanmoins, celle-là est meilleure qui porte sur des choses meilleures et plus honorables. La raison en est que, comme le dit le Philosophe, Des animaux, XI, nous désirons davantage savoir un peu sur les choses les plus honorables et les plus élevées, même si c'est par lieux et endoxes que nous le savons, que de savoir beaucoup et avec certitude sur des choses moins nobles. Le premier tient sa noblesse de soi et de sa substance, tandis que l'autre la tient de sa façon de faire et de sa qualité. 6. — Or cette science-ci, celle qui porte sur l'âme, détient les deux avantages. D'un côté, en effet, elle est certaine, car n'importe qui expérimente cela en lui-même, qu'il a une âme, et que son âme le tient en vie. De l'autre, elle porte aussi sur un objet plus noble, car l'âme est ce qu'il y a de plus noble parmi les créatures inférieures. Et c'est ce qu'il dit, que «nous pensons que le savoir», c'est-à-dire toute science, «compte parmi les biens», c'est-à-dire est au nombre des biens, «et de ceux qu'on honore». Cependant, une science est davantage bonne et honorable qu'une autre de deux façons: soit parce qu'elle est plus certaine, comme on l'a dit — aussi dit-il: «d'après sa certitude», soit du fait qu'elle «porte sur les meilleurs objets», sur ceux, à savoir, qui sont bons en leur nature, «et sur les plus merveilleux», c'est-à-dire sur ceux dont la cause est ignorée; or «c'est de l'une et l'autre façon», c'est-à-dire en raison de ces deux avantages, «que l'est l'histoire de l'âme». Et il parle d'histoire, parce que, dans ce traité, il traite de l'âme d'une façon un peu sommaire, sans se rendre à l'investigation finale de tout ce qui concerne l'âme même. Cela appartient en effet à la notion même d'histoire. Pour ce qui est de situer la science de l'âme «en premier», si on le prend quant à toute la science naturelle, cela ne dit pas l'ordre, mais la dignité. Si par contre on le prend en rapport à la seule science des êtres animés, alors «en premier» dit l'ordre. 7. — Ensuite (402a4), il rend son auditeur bienveillant à partir de l'utilité de cette science, en disant que la connaissance de l'âme semble bien profiter beaucoup à toute vérité transmise dans les autres sciences. En effet, elle donne des occasions remarquables à toutes les parties de la philosophie. Parce que, si nous portons attention à la philosophie première, nous ne pouvons accéder à la connaissance des causes divines et les plus hautes sans passer par ce que nous comprenons en premier à l'examen de la faculté d'intelligence. Car si la nature de l’intelligence possible nous demeurait ignorée, nous ne pourrions connaître l'ordre des substances séparées, comme le dit le Commentateur, à propos de Métaphysique, XI. Si, par ailleurs, nous portons notre attention à la morale, nous ne pouvons arriver parfaitement à la science morale sans connaître les puissances de l'âme. D'où le Philosophe, Éthique à Nicomaque, I, c. ult., attribue toutes les vertus aux diverses puissances de l'âme. À la philosophie naturelle, maintenant, cette science est aussi utile, parce qu'une grande partie des êtres naturels ont une âme, et que l'âme elle-même est source et principe de tout mouvement chez les êtres animés. L'âme «agit en effet comme principe des vivants». Ce comme n'indique pas la similitude, mais le titre. ...

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