David-Néel Alexandra - Voyages et aventures de l'esprit


Auteur : David-Néel Alexandra
Ouvrage : Voyages et aventures de l'esprit
Année : 1985

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Préface. Une aventurière de l’esprit par Marc de Smedt. J’ai vécu l’élaboration de ce livre avec une joie inaccoutumée : la rencontre avec Marie Madeleine Peyronnet, qui vécut avec Alexandra David Néel les dix dernières années de sa vie, et continue à publier, à défendre et à faire connaître son oeuvre étonnante ; les nombreuses visites à Samten Dzong, cette maison près de la ville de Digne qui abrita l’écrivain jusqu’à sa mort et se trouve maintenant promue Fondation ; le travail de fouille, le mot n’est pas trop fort, que nous fîmes dans le bureau, les classeurs et les archives mêmes de l’exploratrice ; le long et passionnant choix des textes ; toute une ambiance et des conversations évoquant sans cesse le génie disparu ; et, surtout, la redécouverte du legs que cette femme, à tous égards surprenante, laisse à l’humanité par ses livres. Nous sommes tous appelés à disparaître, l’histoire retiendra peu de noms, peu de textes, mais le nom et l’oeuvre d’Alexandra David Néel passeront à la postérité, j’en suis convaincu. La vie de cette grande dame est un exemple pour les générations présentes et à venir ; ses écrits sont des témoignages uniques sur des mondes disparus. Son itinéraire et sa recherche intérieure en font l’égale de nos plus grands moralistes, et je la mets au rang d’un Montaigne pour tout cela et pour la beauté splendide de son style. Alexandra David Néel est à lire, à relire. Il faut conseiller sa lecture, qui nous offre la chance de partager une aventure vécue que je trouve plus prenante, plus riche, que celle d’un Monfreid, d’un Lawrence d’Arabie ou d’un Kessel. Son extraordinaire destin pourrait inspirer un film à grand spectacle autant qu’une saga en bande dessinée. L’épopée d’Alexandra dissipe immédiatement banalités et vicissitudes brumeuses de la vie. Elle offre une leçon de courage, de curiosité et de regard, car elle sait voir. Elle n’a pas passé son existence à rêver, elle l’a prise à bras le corps, à pleines jambes, tête claire et vision lucide. Elle a voulu aller au bout de sa vérité, de ce mouvement qui la poussait en avant, ailleurs, toujours plus loin, bien au-delà de ses forces présumées, se dépassant sans cesse elle-même en un cheminement où les routes du monde se mêlent aux secrètes voies intérieures. Voilà une femme qui, née le 24 octobre 1868 et morte le 8 septembre 1969, dans la cent unième année de son âge, sut vivre pleinement le possible : issue d’un milieu bourgeois du Nord, dès l’âge de quatre ans elle ressent un sentiment panthéiste envers la nature, disant d’un bel arbre, d’un beau coucher de soleil ou d’un rocher aux formes surprenantes : « Cela est si beau que ce doit être Dieu. » Puis, écrit-elle dans Le Sortilège du mystère : « Tout enfant j’ai eu la curiosité des croyances religieuses. Je ne doutais pas qu’elles fussent d’une importance indiscutablement primordiale. Il me fallait les inventorier, en trouver le sens, en discuter moi-même le bien-fondé. » À quinze ans, elle fugue déjà, parcourt à pied la côte belge, passe en Hollande, s’embarque pour l’Angleterre, épuisant le contenu de sa bourse de fillette. À dixsept ans, accompagnée des seules maximes d’Épictète, elle part en train pour la Suisse, l’Italie, traversant le Saint-Gothard à pied et visitant les lacs. N’ayant plus d’argent, elle demande à sa mère de venir la chercher sur les bords du lac Majeur. Elle se moque de toutes les punitions et déjà s’essaye à endurer des jeûnes et des austérités copiées sur celles lues dans les biographies de saints ascètes chrétiens. À vingt ans, elle fait des études d’infirmière, fréquente des socialistes idéalistes, des anarchistes. Tout cela aujourd’hui semble peu de chose, mais nous sommes en 1888 ! Elle scandalise ses proches, mais n’en a cure, habitée par sa quête de vérité. Petite (elle mesure un mètre cinquante-six), indépendante et fière de l’être, elle part pour l’Angleterre. Et avant de s’embarquer, elle connaît son premier éveil intérieur qu’elle racontera admirablement : « Le bateau partant dans la matinée, je devais passer la nuit à Flessingue et, comme l’heure de me coucher ne me semblait pas encore venue, je me promenais le long des quais. Il ne faisait pas tout à fait nuit, les formes n’étaient encore qu’enveloppées d’un voile d’ombre qui allait s’épaissir progressivement. Seuls, de rares passants se hâtant vers leurs demeures surgissaient de temps à autre de l’obscurité pour s’y enfoncer l’instant suivant. Une paix ineffable s’était répandue en moi, je me sentais merveilleusement seule. De tous ceux qui me connaissent, pensais-je, aucun ne sait que je suis ici, sur ce quai, en Hollande, et si je mourais en ce moment, personne ne saurait qui je suis. Cette solitude, que j’imaginais absolue, répandait en moi des vagues de félicité. Les transports les plus exaltés des mystiques peuvent-ils égaler cet état de calme infini dans lequel toute agitation physique ou mentale a disparu et où la vie coule sans heurts, sans se fragmenter en sensations ou en idées, sans autre goût que celui de l’existence ? « Cependant, le lendemain, sur le pont du bateau, le visage fouetté par le vent âpre et vivifiant de la mer du Nord, l’activité de mon esprit se réveilla, et je m’amusais déjà à imaginer les conjectures qui m’attendaient, car j’allais maintenant prendre contact avec la folle gent des adeptes de la “Gnose suprême”. » À Londres, elle se lie donc à des groupes ésotéristes, théosophiques en particulier, découvre les doctrines orientales, et surtout le bouddhisme, qui l’interpelle immédiatement. Revenue à Paris, elle poursuit ses recherches dans un milieu universitaire cette fois, à la Sorbonne, au Collège de France, suit les cours de Sylvain Levy et découvre ce « temple » du savoir et de la connaissance : le musée Guimet, qui renferme à ses yeux, et à juste titre, plus de secrets que toutes les sectes et leurs temples à fioritures orientalistes qu’elle appelle des « trappes à gogos ». Son destin était fixé. À l’âge de vingt-trois ans, elle s’embarque pour Ceylan et l’Inde. Nous n’entrerons pas plus avant dans le détail de sa biographie dont les grandes dates figurent dans les pages qui suivent et demanderons aux lecteurs avides des détails de se reporter aux trois biographies existantes dont celle de Jean Chalon, élégante et profonde. Disons simplement que cette femme écrit à vingt-cinq ans, à son retour de l’Inde, sa première oeuvre, un opuscule signé sous le pseudonyme d’Alexandra Myrial et intitulé Pour la vie, dont les thèmes sont, pour l’époque, révolutionnaires et qui, aujourd’hui, n’a rien perdu de sa verve et de sa ferveur comme en témoignent ces quelques citations : « L’obéissance a deux phases distinctes : 1) On obéit parce que l’on ne peut faire autrement. 2) On obéit parce que l’on croit que l’on doit obéir … … Chacun, trouvant naturellement son opinion seule vraie, qualifie d’injustice tout ce qui s’en écarte. … On a réclamé le droit de vote, c’est-à-dire le droit à l’obéissance. Le droit de déclarer soi-même que l’on renonce à être maître de soi pour subir la volonté de quelques individualités aux décisions de qui l’on se soumet d’avance en les élisant. … Pour l’homme, le maître c’est l’ignorance qui ne le laisse ni comprendre ni vouloir. … Le croyant disant “Plus tard, en paradis” ou le révolutionnaire disant “plus tard, après la révolution” me paraissent bien semblables d’esprit…, ce qu’il ne faut pas dire c’est plus tard. … L’homme n’a pas à chercher son but en dehors de lui, il n’a pas à le placer en quelque chose d’extérieur, homme ou idée. » Et tout l’ouvrage est dans cette même veine explosive. Quelques années plus tard, en 1909, elle fera paraître, sous le nom d’Alexandra David, après deux essais sur des philosophes chinois méconnus et de nombreux articles, un petit livre, Féminisme rationnel, qui pourrait être la Bible des féministes aujourd’hui et où, entre autres, elle s’écrie : « Si nous avons une volonté ferme de nous émanciper, quant aux actes extérieurs, de la tutelle légale à laquelle nous sommes tenues par les hommes, il conviendra d’abord de songer à nous émanciper de la tutelle intime sous laquelle nous nous plaisons nous-mêmes… Soyons nous-mêmes ! Toute la vie est là ! Bonheur ou malheur, il n’en est de complet que celui qui procède de nous, de notre être intime, qui a source première en nous. » Femme moderne, Alexandra David Néel l’était bien avant l’heure. Et dans cet ouvrage qui rend hommage à ses talents d’exploratrice et d’écrivain, vous découvrirez de multiples facettes de sa personnalité, grâce à des textes cités intégralement et qui n’ont pas été publiés depuis des dizaines d’années. Bien sûr, la grande histoire de ce « Tintin en jupons » fut le voyage et ses rencontres, tous ces séjours en Orient et surtout au Tibet, pays interdit, zone blanche sur la carte, qu’elle sut pénétrer et aimer. Ce cahier y fait donc une place majeure. Et ceux qui ne la connaissent pas y découvriront son bouddhisme qui fut expérimenté en toute lucidité, démythifiant ce qui devait l’être ; elle parle ainsi des lamas qui pour la plupart ânnonent leur sutras sacrés sans les comprendre ni les vivre. Ellemême étudiait les anciens écrits dans leur texte même, à l’égal des plus grands orientalistes, et revivait la lettre par une pratique assidue de la méditation comme en témoignent ces lignes, en prélude à la rencontre avec un tigre survenant là et qui, devant le calme de l’immobilité de la posture de la méditante, s’éloigna, tout aussi paisiblement qu’il était venu. Histoire authentique, parmi d’autres bien plus prosaïques, histoire souvent attestée par ces anachorètes qui vivent dans des repaires loin du monde dans la jungle ou la montagne, et dont Alexandra sut partager la vie et les expériences : « Je m’assis donc et m’abandonnai à mes méditations favorites. Au cours de tant d’années passées dans l’Inde, mon esprit s’était meublé non seulement de connaissances d’ordre philosophique mais, en plus, de quantité d’histoires touchant la vie des anachorètes dans les forêts. J’avais aussi, depuis longtemps, pris l’habitude de la méditation intense, le samadhi des Indiens, pendant laquelle les perceptions sensorielles ne provoquent aucune réaction mentale, ce qui fait dire improprement que, dans cet état de concentration d’esprit, on ne voit pas, on n’entend pas, etc. C’est la une technique à laquelle on ne peut guère s’initier qu’en Orient et qu’il ne faut pas confondre avec les pratiques religieuses. Ce genre de “méditation” convient parfaitement à des rationalistes agnostiques. La solitude et le silence parmi les bois y incitaient, je cédai à leur invitation et le résultat habituel se produisit à peu près. Je dis à peu près, car bien que j’eusse en “grande partie” perdu conscience de mon environnement, mes oreilles perçurent un bruit et celui-ci réveilla une activité correspondante dans ma pensée. Ce bruit était celui de pas feutrés, précautionneux et pourtant lourds… » C’était le tigre. Eh oui, pour celui qui ne bouge pas, le monde ne bouge pas autour de lui : cela est valable dans tous les sens, le calme amène le calme, l’activité amène l’activité et chaque comportement porte son propre résultat, son karma. Le fait que celui-ci soit positif ou négatif importe peu, reste une question de valeurs personnelles et de conscience, une conscience dont Alexandra défendait l’acuité. Les termes de libération, d’éveil, elle les vivait dans sa chair et son esprit, non comme il se doit mais comme, humainement, il se devrait. Laissons place maintenant à cette « Lampe de sagesse », nom que lui donna le seul lama qu’elle jugea vraiment digne de l’initier et auprès de qui elle passa une longue retraite en ermitage, au pied de sa caverne, laissons-la nous éclairer. M. de S.. ...

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