Markale Jean - Le cycle du Graal Volume 5 Gauvain


Auteur : Markale Jean
Ouvrage : Le cycle du Graal Volume 5 Gauvain Cinquième époque
Année : 1994

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La quête de l’impossible. Derrière la grande figure illuminée de Lancelot du Lac, qui éclipse parfois les compagnons de la Table Ronde, se dressent cependant des héros tout aussi valeureux, tout aussi indispensables à l’équilibre du royaume d’Arthur, et tout aussi importants par leur signification symbolique et mythologique. À trop admirer Lancelot, on risque ainsi de méconnaître Gauvain, le fils du roi Loth d’Orcanie et neveu d’Arthur, dont la réputation de bravoure et de courtoisie dépasse de loin les frontières du royaume imaginaire de Bretagne où s’accomplissent tant d’exploits dans la perspective, encore lointaine, de découvrir les grands secrets du Graal. Dans l’idéologie qui sous-tend les romans du cycle arthurien, le roi n’est rien sans ses guerriers. L’Arthur historique n’était d’ailleurs même pas un roi : il n’était que dux bellorum, d’après les textes les plus anciens le concernant, c’est-à-dire « conducteur de guerres ». Mais, depuis les temps les plus reculés, puisque l’on n’a pas pu faire que le juste fût fort, selon les termes mêmes de Blaise Pascal, il a bien fallu se résoudre à accepter que le fort fût juste : ainsi est née la fonction royale. Mais le roi n’est que le primus inter pares : il est issu de la classe des guerriers et peut, à tout moment, être déchu, rentrer dans le rang s’il se révèle incapable de mener les affaires du royaume – et, en premier lieu, sa défense. À côté, la classe sacerdotale veille, et dans la société de type celtique qui est, en dernière analyse, celle dans laquelle évolue Arthur, le roi ne peut rien faire sans le druide. On a vu le rôle joué par Merlin auprès d’Uther Pendragon et surtout auprès d’Arthur : Merlin, en bon successeur des druides, apporte sa caution à la souveraineté d’Arthur, faisant accepter celle-ci bon gré mal gré à tous les guerriers du royaume. Et même disparu dans sa tour d’air invisible, l’Enchanteur demeure terriblement présent dans les esprits ; il guide inconsciemment les actions individuelles et collectives, il veille à préserver le fragile équilibre qu’il a réussi à instaurer. Or, et ceci, il ne faut pas l’oublier, après la disparition de Merlin, le seul être humain – en dehors de Morgane, mais là, c’est une autre affaire ! – qui entende sa voix, c’est Gauvain. Se-rait-il donc dépositaire des secrets de Merlin et destiné, auprès du roi, à entraîner derrière lui la masse des guerriers (futurs chevaliers des récits), afin que la puissance dont Arthur n’est que le dépositaire consensuel atteigne sa pleine efficacité ? Gauvain occupe en effet une place très particulière : il est l’aîné des neveux d’Arthur, le fils de sa sœur aînée, Anna (nommée parfois Morgause), en fait, sa demi-sœur puisqu’elle est la fille du duc de Cornouailles et non d’Uther Pendragon. Certes, du roi Loth, celle-ci a eu d’autres enfants, mais si preux soient-ils, Agravain et Gahériet ne jouent qu’un rôle secondaire. Quant au benjamin, Mordret (parfois appelé Medrawt), il est, comme on sait, entaché de malédiction. Dans la légende primitive d’Arthur, telle qu’elle peut être reconstituée d’après les textes latins antérieurs aux récits dits de la Table Ronde, Mordret ne semble pas avoir eu de lien de parenté avec Arthur : il n’était qu’un rival, à la fois politique, militaire et sur le plan sentimental. Ce n’est que progressivement qu’on en a fait le neveu d’Arthur, voulant sans doute montrer l’opposition quasi manichéenne entre le « bon » neveu Gauvain et le « mauvais » neveu Mordret. Et à partir de Robert de Boron, on a noirci encore davantage Mordret en faisant de lui le fils incestueux d’Arthur, donc un « impur », afin de mieux mettre en valeur la « pureté » de Gauvain. Or, en tant que neveu, fils de sa sœur, Gauvain est, selon les antiques coutumes celtiques qui privilégiaient la filiation matrilinéaire, l’héritier légitime d’Arthur. Certaines versions prétendent qu’Arthur a eu des fils mais illégitimes, donc nécessaire-ment exclus de sa succession. Des exemples de cette sorte ne manquent pas. Dans le cycle d’Ulster, le grand héros Cûchulainn est considéré comme l’héritier présomptif de son oncle, le roi Conchobar, puisqu’il est le fils de la soeur de celui-ci. Il en est de même pour Tristan, fils de la sœur du roi Mark. La force de cette antique tradition se fait toujours sentir à travers les récits du XIIIe siècle : lorsque Gauvain, tout jeune chevalier, arrive à la cour d’Arthur et se manifeste par d’impossibles exploits, le roi le reconnaît publiquement à la fois pour son neveu et pour son successeur. Et personne ne songe à contester ce choix, tant il paraît naturel. Mais si elle confère à Gauvain sa légitimité dans l’ordre arthurien, cette situation privilégiée n’explique pas, loin de là, le personnage éminemment complexe et même paradoxal dans bien des cas. On sait que derrière la plupart des compagnons d’Arthur se dissimulent des personnages mythologiques hérités de la plus ancienne tradition celtique, voire d’importantes divinités dont le nom a été perdu mais dont la fonction est demeurée présente dans l’inconscient collectif. Ainsi en est-il des deux plus anciens « complices » d’Arthur, Kaï et Bedwyr. Avant de devenir le « frère de lait » d’Arthur – et de s’intégrer de la sorte à la famille – puis un sénéchal quelque peu fanfaron, si l’on en croit les récits français, Kaï était un redoutable dieu de la guerre doté de pouvoirs magiques impressionnants : il pouvait notamment étirer son corps au point de dépasser les plus hauts arbres d’une forêt (d’où son appellation galloise, Kaï Hir, c’est-à-dire « Kaï le Long ») ; en outre, il émanait de lui une chaleur extraordinaire, don qui l’apparente à un dieu fulgurant du type du Cûchulainn irlandais ou du narte Batraz, et qui n’est pas sans rapport avec la « chaleur chamanique », particularité attribuée aux « hommes-médecine » des cultures de l’Asie centrale. Au demeurant, même déchu au rang de sénéchal matamore et mé-disant, Kaï reste un personnage divin, analogue à l’Irlandais Bricriu « à la langue empoisonnée », au Thersite grec et au Loki germano-scandinave. Quant à Bedwyr (que les romans français nomment Béduier), il est, lui, l’image parfaite du dieu manchot indo-européen, tel l’Irlandais Nuada « à la main d’argent » ou le Tyrr germano-scandinave. ...

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