Marx Karl - Engels Friedrich - La social-démocratie allemande


Auteurs : Marx Karl - Engels Friedrich
Ouvrage : La social-démocratie allemande
Année : 1871

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Force et organisation. Marx attendait beaucoup de la révolution allemande qui, depuis 1525, se heurtait à une résistance intérieure et extérieure telle qu'elle n'était pas encore achevée au milieu du XIX° siècle. La simple comparaison avec les deux autres pays de semblable niveau de civilisation et de population l'y incitait déjà : en faisant sa révolution, l'Angleterre n'avait - elle pas instauré la moderne industrie productive capitaliste, et inondé tous les pays de ses articles industriels ? La France n'avait - elle pas diffusé sur le continent les formes politiques de l'État et de l'administration moderne, complémentaires de la base économique bourgeoise, avec les principes de liberté, d'égalité, etc. et secoué l'Europe entière, de la Sicile à la Norvège, de la Belgique à la Russie ? Cependant, au niveau bourgeois, il n'y avait plus à espérer de prouesses comparables de la part de l'Allemagne : le monde entier était partagé entre les grandes métropoles. Lorsque le centre de gravité s'était déplacé d'Angleterre vers le continent, la France s'était déjà heurtée à une résistance farouche de la part des puissances féodales de l'Europe centrale, et surtout de la Russie, dans sa tentative de révolution de ses structures surannées et avait subi, de plus, l'assaut de la bourgeoisie anglaise qui voulait empêcher à tout prix l'essor d'une puissance capitaliste moderne, rivalisant avec elle dans le commerce et l'industrie. Le résultat en fut la défaite napoléonienne - et la France ne développa de la forme capitaliste que les superstructures politiques, et ne s'industrialisa vraiment qu'au XX° siècle. Lorsque le centre de gravité révolutionnaire, se déplaçant encore plus vers l'Est, gagna enfin l'Allemagne, située géographiquement en plein cœur de l'Europe où le féodalisme régnait en despote, ce pays se heurta à l'alliance des capitalismes déjà nantis, anglais et français - surtout ce dernier - contre ce nouveau rival, qui ne pouvait manquer de bouleverser tout le statu quo établi. Avec sa population considérable et les énormes richesses de son sous - sol en charbon, lignite, minerai de fer, potasse, wolfram, cobalt, zinc, étain, plomb, l'Allemagne possédait toutes les prémisses nécessaires à l'essor d'une grande nation industrielle, dès lors que les entraves féodales au développement capitaliste étaient abattues. Mais moins qu'en France encore, la révolution anti-féodale pouvait y être pacifique. L'expérience démontra même qu'elle ne pouvait s'y effectuer par une action spontanée des masses populaires, c’est-à-dire par le bas, sous forme radicale, en soulevant même les campagnes et les paysans, car la violence contre - révolutionnaire organisée par la coalition entre États féodaux et États capitalistes impérialistes y formait un barrage trop puissant à toute tentative de rénovation des structures politiques, économiques et sociales. Les mouvements de masse, dans leur action spontanée, sont certes un moyen énergique de dissolution des rapports sociaux de production surannés, mais ils, sont absolument impuissants contre les armées organisées des États de l'intérieur et de l'étranger qui exploitent la moindre défaillance pour porter des coups décisifs et meurtriers. L'action libre et tumultueuse, à l'énergie débordante mais incontrôlée, était hors d'état de réussir en Allemagne la grande tâche de la révolution anti-féodale qui, pour vaincre, eut besoin de la poigne de fer d'une dictature sous la direction d'un État militaire et policier - la Prusse. Une leçon s'imposait à l'Allemagne : non seulement pour être efficace, mais simplement pour continuer de vivre, non sous le poids du passé, mais dans le présent et l'avenir, ce pays avait besoin de S'ORGANISER. Marx - Engels avaient répété cent fois que l'Allemagne, divisée et impuissante, à défaut de pouvoir s'exprimer dans la pratique, en était, réduite à théoriser les grandes idées de son temps, voire des autres pays. A présent, qu'elle entrait de nouveau dans l'histoire, elle s'aperçut qu'elle pouvait utiliser ce, savoir, purement abstrait jusqu'ici, afin d'ORGANISER sa pratique conformément à ses capacités théoriques - pour en multiplier l'efficacité. Au lendemain de la révolution anti-féodale, qui lui avait assuré par sa victoire sur la plus grande puissance militaire d'Europe - la France bonapartiste - la primauté de la force en Europe, sinon dans le monde, l'Allemagne prussienne trouvait le marché mondial engorgé de marchandises par l'industrie de ses pairs et ancêtres capitalistes - l'Angleterre, les États - Unis et la France - , et c'est encore en S'ORGANISANT que l'Allemagne parvint à se doter d'une industrie par les moyens les plus rapides. Elle agença et combina ses activités et ses moyens matériels, utilisa les sciences et techniques les plus modernes pour obtenir une productivité maximale, donc les prix de production les plus bas afin d'affronter la concurrence de production plus avancées qu'elle, et surtout d'organiser avec ses cartels sa production et ses débouchés sur le marché mondial, à défaut de la chasse gardée d'un Empire colonial. Dans cette entreprise colossale, c'est encore la main de fer de la dictature de Bismarck, qui permit de canaliser les énergies et d'éviter les déperditions de force : tout le mouvement se concentra sous la direction de l'État prussien. Dans ces conditions, l'alliance se renforça encore, dans les institutions, entre les barons de l'industrie et de la finance (bourgeois) et les grands propriétaires fonciers (semi-féodaux), sous l'égide d'abord de ces derniers (Bismarck). La violence savamment organisée par la politique de force qui avait permis à l'Allemagne de sortir de sa stagnation séculaire, allait maintenant lui permettre de combler son retard économique vis-à-vis de l'Angleterre et de la France. Déjà la guerre victorieuse contre Napoléon III (qui convoitait tout aussi férocement que le prussien Bismarck la rive gauche du Rhin) avait ouvert à l'industrie et au commerce extérieur allemands les portes du marché mondial et le flot des milliards, extorqués comme « contribution de guerre » à la France, fournit au capitalisme allemand l'amorce d'un développement industriel. L'État prussien avait déjà construit un réseau de chemin de fer à des fins stratégiques, il pouvait maintenant être utilisé comme moyen de communication pour le marché intérieur des forces de travail et des marchandises. La position géographique centrale de l'Allemagne au cœur de l'Europe tournait enfin à son avantage, et la haussait au rang de grande puissance économique. L'Allemagne devint la grande distributrice de marchandises de l'Europe centrale et orientale, minant même le monopole anglais du transport de marchandises en Europe septentrionale : elle devenait enfin le lien entre l'Europe industrielle de l'Ouest et l'Europe agraire de l'Est - comme aujourd'hui encore. De maritime, le commerce européen se fit de plus en plus terrestre - au profit de la puissance installée au cœur du continent. Après 1871, écrit Mehring, « les instituts bancaires et les sociétés industrielles jaillirent de terre sous les formes les plus variées. De nombreuses lignes ferroviaires furent lancées. D'innombrables mines de fer et de charbon furent mises en exploitation. On assista à une fièvre frénétique de spéculation dans laquelle la bourgeoisie perdait toute retenue ». Démocratie et stades historiques Il apparut bientôt que les rivalités politiques et militaires entre Bismarck, d'une part, et les bourgeoisies étrangères et allemande, d'autre part, n'étaient pas mortelles : il avait voulu simplement conquérir une place parmi ses pairs - et nécessité avait fait loi. Cependant tous les résultats industriels s'obtenaient par un antagonisme, qui par la suite devait non pas s'atténuer, mais s'aggraver, celui qui opposait les classes dominantes allemandes aux travailleurs de ce pays. Si l'orgie de la production profitait à la bourgeoisie, les ouvriers allemands connurent, eux, une misère et une exploitation croissantes et durables. Ce n'est pas par hasard si la seule grande époque du mouvement ouvrier anglais - le chartisme - avait coïncidé avec le point culminant de l'atroce accumulation capitaliste des années 1820-1850 en Angleterre, décrite par Marx dans le Capital pour annoncer leur avenir aux ouvriers des autres pays, notamment d'Allemagne. (Cf. la remarquable lettre d'Engels à Bebel, 11-12-1884, sur le caractère spécifique de l'accumulation en Allemagne.) La poigne de fer de la dictature CAPITALISTE allait s'abattre maintenant à son tour sur les ouvriers allemands et ne plus relâcher son étreinte avant longtemps. Même la démocratie parlementaire, telle qu'elle s'exprima dans les premiers pays capitalistes « occidentaux » ne fut vraiment réalisée en Allemagne. Tant que le capitalisme y fut progressif en économie - c’est-à-dire libéral, démocratique et parlementariste en politique - elle dut lutter par tous les moyens pour se faire une place au soleil, et lorsque celle-celui fut assurée, le capitalisme était sénile centralisé, autoritaire, planifié et étatique; et le parlementarisme démocratique n'y était plus que phrase creuse. Durant la phase idyllique du capitalisme, lorsque différentes classes subsistent avec une représentation correspondante au parlement où elles s'affrontent en une lutte réelle pour des intérêts distincts véritables, le parlementarisme avait un puissant attrait aux États - Unis, en France et en Angleterre. Alors que dans ces pays les ouvriers étaient tentés de voter utile, donc pour les partis susceptibles de gouverner ou de collaborer avec le pouvoir, et non pour leur parti véritablement d'opposition, en Allemagne le gouvernement n'utilisait les parlements croupions que pour sa propagande - afficher à l'extérieur que c'est un pays « civilisé », et les ouvriers ne votaient que pour se compter et se délimiter de toutes les autres classes et partis afin de marquer leur opposition irréductible, bref pour leur propagande de classe : le piège démocratique n'y avait donc pas de base stable et matérielle, et les rapports de classe était plus limpides et évidents qu'ailleurs. A partir de 1865, la bourgeoisie anglaise, du fait de son monopole mondial et de l'exploitation de ses immenses colonies, avait pu, après plusieurs décennies d'exploitation sanguinaire, concéder quelques bribes de son festin à son aristocratie ouvrière. En France, l'industrialisation infiniment moins rapide et l'utilisation habile de. la force militaire pour se tailler un vaste empire colonial permirent également de relâcher après la Commune une tension, devenue insoutenable entre les classes - et ce fut la Troisième République. En Allemagne, rien de tel n'était concevable avant très longtemps - après 1955 peut-être, mais encore l'Allemagne est-elle amputée, divisée et toujours occupée par la soldatesque étrangère, d'où sa débilité politique actuelle ainsi que la faiblesse de son assise impérialiste pour ce qui concerne son approvisionnement en produits alimentaires et en matières premières. La crise, si elle l'atteint en 1975, la frappera plus durement que tous les autres pays d'Europe et posera très vite, de nouveau, les problèmes sous leur angle véritable - celui des rapports de force, et, il faut l'espérer, creusera les antagonismes réels de classe dans une société en crise profonde, sans mystifications démocratiques introduites après 1945 ou nationalistes développées dans la période précédente. Après l'unité allemande de 1871, face à l'aggravation toujours croissante de ses conditions de vie et de travail, il ne restait qu'un seul recours au prolétariat allemand pour se défendre contre la double pression, économique des capitalistes bourgeois, politique et policière de l'État prussien : la solidarité de classe et l'ORGANISATION. Pour conquérir une place sur le marché mondial, Bismarck organisa des cartels, afin de vendre cher à l'intérieur et bon marché à l'extérieur pour s'assurer des débouchés, mais il en profita pour instaurer le protectionnisme sur les produits non seulement industriels mais encore agricoles, favorisant ainsi les revenus des grands propriétaires fonciers de l'Est, ce qui leur assurait du même coup des moyens de puissance politiques. Le résultat en fut une inflation du prix des denrées alimentaires de première nécessité qui diminua d'autant le pouvoir des achats des salaires, constituant ainsi un surprofit propice à l'accumulation capitaliste. Mehring estime cette baisse à 66 % en 1873 - ce qui est proprement énorme. Les Lassalléens y trouvèrent une confirmation éclatante à leur théorie de la loi d'airain des salaires : même les fausses doctrines trouvent quelque appui dans la réalité complexe ! ...

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